dimanche 12 janvier 2014

Humeurs

Cette nuit de ma vingtaine, la douche froide du lendemain.
Le corps vibrant de désir, mais pour longtemps endormi.
J'étais alors à l'armée, au milieu de tant d'hommes. Physiquement fin, intellectuel, pudique et goutant peu les arts graveleux, j'avais tout pour paraître efféminé...
Il fallait que je sache.
J'avais eu quelques copines. La première j'avais à peine plus de 16 ans. R. et ses baisers humides. Notre première et seule balade, dans les espaces maraichers de l'est toulousain, qui s'était finie en douce rupture. J'avais repris mon vélo. J'étais rentré, la légère amertume laissée par sa salive dans ma bouche. Je me souviens d'une vague remarque de mon père. Une allusion ? Je ne sais plus.
Puis G., mon amie-amour avec qui je n'avais pas osé aller plus loin. Avec du recul, je crois qu'elle me tendait des perches. Étais-je si niais ? Que cherchait-elle avec ses cinq copains simultanés, dont un savait tout ? Moi, bien sûr l'éternel confident des filles. Il y a en plusieurs ainsi que j'aurais aimé serrer dans mes bras. Mais j'étais l'ami, le refuge...
M., aussi, le temps de mes 18 ans. Et les Eagles chantaient. Un de mes plus beaux cadeaux d'anniversaire. Juste, quelques jours, le temps qu'elle retourne avec R., son premier copain et amant. Ce cher R., aussi coureur et déluré que j'étais sage et timide... Un grand ami, si différent et si proche. C'est amusant, je les ai retrouvé tous les deux récemment. Lui se souvenait à peine d'elle. Elle l'avait oublié. Mais elle se souvenait de moi... Petit plaisir rétrospectif !
Il y eu aussi une amie de ma cousine. Je suis honteux, j'ai oublié son nom... Là aussi, mon anniversaire. Juste une soirée. Puis je l'invitais à goûter en ville pour lui dire que ça n'allait pas le faire... Mon côté gentleman.
Je n'étais jamais allé plus loin.

A cette époque, je n'imaginais pas vraiment non plus que deux gars puissent avoir une aventure.
Pourtant, il y a avait eu ce trouble. En quelle année était-ce ? La télévision avait diffusé le Crépuscule des Dieux de Visconti. Ludwig...
Il y a ce passage où l'on voit le domestique se baigner nu dans le lac. Le roi est dans les fourrés en train de l'observer. Puis il se montre et l'appelle...
Ceux qui m'ont connu autour de ma vingtaine d'années se souviennent de la grande affiche de Ludwig dans ma chambre. Bien des années plus tard, j'avais enregistré le film et j'ai souvent regardé cette séquence ainsi que celle où Ludwig passe au milieu des hommes après l'orgie.

Il fallait donc que je sache le mystère des femmes. Sur cette plage, je m'étais jeté à corps perdu.
Puis, j'avais retrouvé mon port d'attache. J'allais devoir faire ce deuil terrible. Je m'en suis à peine guéri.

Mon dépucelage avait au moins éveillé une chose. Mais je ne connaissais rien à l'anatomie et aux humeurs des hommes. Cette liqueur qui désormais s'écoulait de mon sexe à certains moments fut mal interprétée. Ah, l'incurie des medecins militaires ! Je fus soigné pour une chaude pisse, sans symptôme, alors qu'on aurait pu me parler de liquide pré-séminal. Et, quand le phénomène se reproduit quelques temps plus tard (ne rigole pas), mon médecin de famille m'infligea le même traitement. Tu vois, j'avais tout raté de mon éducation sexuelle, car même dans les bouquins que je feuilletais en secret au temps du collège, il n'était pas question de  telles choses. Ces bouquins étaient d'ailleurs bien mal documentés, ils disaient notamment que les mensurations de la verge au repos différaient sensiblement d'un homme à l'autre, mais qu'en érection, on avait tous la même. Imagine ma surprise au sauna...

J'étais rassuré de n'être plus puceau au milieu des marins; Mais maintenant, un seul m'intéressait : Steve. Pas très grand, légèrement costaud, sportif et d'une grande gentillesse. Lui m'a fait courir. Dès que nous étions en escale, il partait faire un footing. Je l'ai accompagné plusieurs fois. Malgré mon manque d'entrainement, je l'aurais suivi très loin.
Je passais un week-end chez lui. Il m'a donné une belle chambre spacieuse avec un grand lit d'époque. Je me serais bien contenté de partager le sien. Nous avons passé de bons moments amicaux, mais je ne l'ai pas revu.
J'ai quitté l'armée sans me retourner. Je partais enfin dans la vie.

2 commentaires:

  1. t'as fait la marine? Ludwig: tu comprenais ce qu'il t'arrivait, ou c'était juste une émotion inexpliquée/inexplicable?
    j'adore ces récits de premiers émois, où on se cherche sans vraiment tout comprendre. Et puis un jour, c'est "mais c'est bien sûr!"..et c'est une libération, ou un truc dont on ne sait par quel bout le prendre(sans vouloir faire de jeux de mots facile)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Eh oui, le pompon. Ludwig... c'est surtout que je réalisais ce qu'il lui arrivait, et ce faisant, ça m'ouvrait un domaine des possibles insoupçonné et difficile à mieux cerner à cette époque.

      Supprimer