samedi 26 avril 2014

Fascination

Je le connais depuis longtemps. J'ai toujours été surpris de cette réserve trouble qu'il semble exprimer avec moi.  Alors que le tutoiement est habituel avec les collègues de cet organisme, il s'obstine à me vouvoyer et m'appeler Monsieur. Cela m'amusait jusqu’à ce jour de l'année dernière où je suis littéralement tombé sous son charme. Je l'avais toujours trouvé banal, avec un visage légèrement dissymétrique. Il était en train de m'expliquer une procédure un peu complexe. Je commençais à m'égarer dans ses explications, j'ai fini par me perdre dans ses yeux. Tout d'un coup, alors qu'il parlait, je l'avais trouvé terriblement beau et attirant. A partir de ce moment, je n'ai plus vu que cela, sa voix était devenue une musique. Je ne sais pas à quoi j'ai pu ressembler alors, j’essayais de donner le change par une expression posée et attentive, je montrais des signes de compréhension et d'accord.  Sa dissymétrie avait pris une grâce infinie et mon regard détaillait discrètement chacun des mouvements de son visage.
Nous ne étions pas vraiment revus depuis, à peine croisés, plutôt des échanges de mel et par téléphone.
La réunion de cet après midi était une occasion. J'ai attendu qu'il s'installe avant de prendre une place non loin. J'avais dû paraître tellement hésitant qu'une collègue m'avait demandé si je ne savais où m'asseoir. Mais je suis souvent comme ça, à hésiter avant d'entrer vraiment en réunion, sauf quand je l'anime, et à choisir la personne qui aura droit à mes petits bavardages. Je suis bien incapable de tenir plus d'une heure à seulement écouter. A moins que l'orateur ne soit très captivant. Je préfère donc être proche de quelqu'un qui me permettra d'évacuer mes pensées, mes réflexions lapidaires, mes traits d'humour parfois décapants.
J'étais à deux places de lui, sa collègue entre nous. La configuration de la salle faisait qu'en regardant le diaporama, je saisissais son profil. Quand le discours de l'orateur l'agaçait, il se tournait d'un quart et je l'avais de face. J'ai pu le dévorer des yeux à loisir..
Il est à croquer, son visage en finesse, le front haut, les cheveux relevés en boucles, une onde salée sur ses tempes courtes.
Une voix très douce, avec presque un cheveu sur la langue, un glissement vocal imperceptible.
Nos interventions se sont conjuguées dans une connivence travaillée implicitement à la pause que j'avais réussi à passer avec lui.
Après la réunion, mon téléphone m'a donné la contenance nécessaire pour l'attendre devant la salle. J'ai noté qu'il était passé en ralentissant assez pour que je puisse le rejoindre dans la cour. Il a accepté d'aller prendre un verre. Nous avons longuement discuté. J'ai raté les deux trains suivants...
Évidemment, il ne s'est rien passé d'autre. J'évite soigneusement toute confusion entre mes vies, mais parfois ça démange vraiment...
J'ai appris depuis qu'il était homosexuel.
Aurais-je un gaydar ?

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