jeudi 5 novembre 2015

Une nouvelle expérience

Maurice me manque. Cette évidence m'est tombée dessus alors que je quittais le petit appartement parisien où j'avais passé la nuit. J'allais traverser le boulevard Voltaire, j'avais le nez dans le caniveau. Il m'est apparu ainsi dans la lumière d'une plage méditerranéenne. La veille j'étais passé par ce lieu où chaque fois j'essaie de repérer la maison aux volets rouges. J'étais embué de ces émotions qui me troublent souvent au pays taiseux à l'heure d'en partir. Comme cet été, je ne suis pas arrivé au bout de mon repérage. Dans l'axe de mon regard il y avait une maison restaurée au bord d'un canal. Point de volets rouges et il me semblait que la maison était plus loin. Point de rangée d'arbres non plus mais peut-être masquaient-ils le canal autrefois ? Il avait dû se passer quelque chose que j'imaginais assez bien. La vielle dame devait reposer sous les chrysanthèmes. La maison bruissait déjà d'une nouvelle vie.

J'avais passé la soirée chez un hôte, à boire du jus de raisin et de la tisane, à discuter de son travail et de ses productions graphiques. À échanger des sourires plus ou moins clairs mais que nous n'avons pas su ou voulu décoder l'un et l'autre. De toute la soirée je n'ai pas osé un geste rapproché ou une question directe, du genre bon je te plais ? ou on fait quelque chose ? ou encore je me déshabille devant ton objectif ?. Devant son écran j'ai fini par lui poser la question est-ce que je te plairais comme modèle ?. Et là il a répondu qu'il recherchait des modèles plus jeunes avec des cheveux. Ce n'était pas une réponse si directe que cela, d'autant que j'ai des cheveux et qu’il avait aussi des modèles d’à peu près mon âge, mais elle n'a pas entraîné d'autre développement. Je ne poussais pas plus loin. Il me semble qu'il a tendu des perches. N'ai-je pas réagi parce qu'elles n'étaient pas assez explicites ? Ou bien parce que j'avais du mal à décider car ce n'était pas mon profil idéal ? Ou encore car il ne convient pas de prendre un risque de se mettre mal à l'aise chez un hôte ? Pourtant je me serais volontiers abandonné parce que j'aimais sa voix et son esprit. Mais il est des choses qui ne peuvent relever que d'évidences. Comme quand tu dois faire un choix, si tu hésites il vaut mieux ne pas le faire. Les choix par défaut donnent rarement de bonnes surprises.

Tu ne vois peut être pas le lien entre ces deux histoires qui s'entrecroisent par une de cette étonnante superposition que créé un cerveau sans l'avoir sollicité. Maurice a toujours été une évidence. Il n'y a pas eu hésitation. Et maintenant qu'il est loin tu sais pourquoi il me manque. Mais en réalité, ce qui me trouble le plus c'est le fait de n'avoir plus de nouvelles et de ne pouvoir le joindre. C'est cette impression de vide qui me pèse. Avoir son numéro de téléphone, connaître son adresse et n'en pouvoir rien faire. Quand pour des raisons souvent géographiques des amitiés se sont éloignés, j'ai toujours eu la possibilité de maintenir le lien. Même si je le faisais rarement je savais que je pouvais à tout moment écrire ou téléphoner. Devoir résister au contraire est une épreuve de force qui ne s’amoindrit pas au fil du temps. La question n'est pas tant d'aimer Maurice ou ce qu'il est devenu - j'en serai peut-être surpris ou dégoûté - que cette incapacité infinie.

J'avais passé une drôle de nuit réveillé par les effets de la tisane que m'avait servie l'hôte. Il dormait dans le salon. Je ne l'ai pas croisé en allant à plusieurs reprises me soulager en petite tenue. J'avais trouvé cet hébergement sur un site de rencontres homo. Il m'avait donné ses coordonnées bnb. Nous savions donc que nous pouvions nous sauter dessus à tout moment, si j'ose dire. Les lumières de son appartement contribuaient à donner une belle image de moi-même dans ses miroirs. Je me trouvais hautement désirable et me demandais comme il pouvait résister. Mais il jouait son rôle d'hôte à la perfection, avec une prévenance extrême. Je le suivais dans toutes les pièces. Il me faisait la conversation. Nous donnâmes enfin des signes de fatigue et chacun rejoignit son  lit. Je me scrutais une dernière fois dans le miroir de la chambre à la recherche vaine de ce qui n'avait pas fonctionné. Dans la nuit, à l'un de mes réveils, je trouvais un plaisir solitaire pour évacuer cette ardeur qui me taraudait depuis 4 jours que j'avais quitté mes bases.
Au réveil nous ne sommes croisés à plusieurs reprises. Je ne l'ai pas vu dans la pénombre du bureau qu'il fallait traverser pour atteindre la salle de bains, il devait fumer à la fenêtre, légèrement masqué par le rideau. J'avais traversé la pièce le bassin simplement enveloppé dans la petite serviette qu'il m'avait donnée. J'ai su plus tard qu'il m'avait observé quand il m'a complimenté sur ma taille pendant le petit-déjeuner qu'il me servait très attentionné en veillant à mon bien-être et à la conversation. L’hôte était réellement charmant.

C'est en repensant à tout cela, au petit matin, que je retrouvais Maurice, simplement en traversant le boulevard.



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