mardi 25 octobre 2016

De l'insoutenable élocution de Guillaume Gallienne

Celeos dont j'aime lire la prose nous gratifie régulièrement d'une diatribe à l'encontre de Guillaume Gallienne qu'il déteste pour sa diction et son inculture. Celle-ci fut récemment relevée par notre ami pour n'avoir pas su prononcer le guide Chaix, guide chè pour Galienne alors que Celeos en pince pour Chaixe, comme dans sexe soulignait-il évidemment.
Pour ceux qui ont connu les trains d'autrefois ou des cheminots d'antan, il n'y avait pour indicateur de référence des horaires que le guide Chaix. Je me souviens d'un contrôleur de ma famille dont enfant j'admirais la dextérité à manier ce bottin des trains et qui n'avait pas son pareil pour donner le meilleur horaire pour aller à l'autre bout du pays, quelque soit le nombre de correspondances, en moins de temps et de mouvements qu'il n'en faut à www.voyages-sncf.com. A l'heureux temps, où il n'était point besoin de nous faire aimer le train !
Comme Celeos, j'ai toujours entendu prononcer le guide chaixe. Faut-il pour autant accabler Guillaume Gallienne sur ce point  et ne faut-il pas voir dans la répartie de Celeos deux abcès de fixation, l'un vis-à-vis du personnage envahissant de nos ondes, l'autre pour tout ce qui semble s'écarter des normes et usages de la langue françoise ?
Le x est une des lettres de l'alphabet dont la prononciation est assez variable dans notre langue. Il faut y voir deux types d'héritages qui génèrent des incompréhensions. Une partie de nos x est totalement étymologique et justifie les prononciations ks (exemple) ou gz (exact), avec quelques exceptions sur les finales où il est en principe muet sauf sur les nombres (six, dix...) ou quelques mots à la finale sonore en ks (phénix). L'autre part provient d'un codage graphique du double s ou des finales sonores en s ou ch de dialectes et langues dont le français académique a dû s'approprier les patronymes et toponymes (occitan et basque pour ce que j'en connais). Ainsi il convient de dire Ausserre et Brusselles, bien qu'on écrive Auxerre et Bruxelles (français), et Itchassou pour Itxassou (basque). Pour l'occitan francisé, c'est un joyeux bordel, les x finaux côtoient les ch et on observe une divergence secondaire des prononciations, le x graphique finissant par donner un ks sans que cela ne choque personne de voir Gardouch à deux lieux de Nailloux, Soueich et Soueix dans deux vallées proches. On ne s’étonnera pas d'entendre Auch et Aix (qu'on devrait dire Aiiss), voire même Foix où le x est devenu atone alors qu'on prononçait Fouch...
On pourrait se demander si à l'époque révolue du guide Chaix, la prononciation Chaixe était générale où s'il s'agissait d'un particularisme méridional. On note en effet l'existence d'un village de Vendée éponyme qui se dit Chai (chè donc pour les lecteurs méridionaux qui hésiteraient) et que certains onosmaticiens mettent en avant pour l'origine du patronyme. On constate cependant que pour la période 1891-1915, il n'y a pas de ci-devant Chaix recensés dans ce département. A moins qu'ils n'aient tous été trucidés pendant la Révolution ou migré depuis, on ne peut que douter de l'interprétation, d'autant que la même carte montre bien que le foyer des Chaix est le sud-est de la France, où le toponyme est également très répandu.
Albans Napoléon Chaix est né le 30 avril 1807 dans la bourgade de Châteauroux, en domaine linguistique français et dont nous sommes bien d'accord qu'on ne prononce ni Chateaurouxe, ni Chateaurouch. Il établira à Paris en 1845 sa célèbre Imprimerie centrale des chemins de fer. Cependant, une brève recherche généalogique nous apprend que son père Pierre Louis était né le 11 mai 1756 à Crest, dans la Drôme (Celeos, tu dis Crè ou Creste ?). Une information de premier ordre qui justifierait une finale sonore...
Pour autant, devrait-ce être un x ou un s ? Frédéric Mistral, qui précéda Dylan au prix Nobel de littérature, nous donne son interprétation de l'origine du patronyme, dans son magnifique Trésor dou Félibrige. Il ne retient pas cais au sens de machoire, basé sur une racine grecque, comme on peut lire ailleurs (l'ancêtre des Chaix aurait eu une forte dentition, un néandertalien sans doute), mais le donne comme un nom de personne ancien tiré du latin Cassius*. Dans les dérivés noté par notre Félibre, la graphie Chaix est marginale, ce qui milite pour un s sonore. Ainsi donc si la grand-mère de Celeos a pu dire Chaixe, il y a fort à parier que son arrière pratiquait plutôt en Chaiisse...
Ainsi vont les langues et leurs prononciations...


*Pour les passionnés on trouvera d'autres interprétations étymologiques ici.

8 commentaires:

  1. Commentaitre trés érudit , estéf .
    J'ajouterai , modestement , qu' on dit la paix et non la paixe ou encore un portefaix et non portefaixe .
    Je pense aussi que la prononciation reléve d' usages locaux .

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    1. La prononciation et nos accents sont liés à la langue d'un terroir même si on ne la parle plus ou guère. Ce sont des caractéristiques de "minorités visibles" mais ignorées et même réprimées par le passé...

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  2. Je me permets d'ajouter, ce qui corrobore le fait que la prononciation relève encore d'usages régionaux alors que l'orthographe s'est uniformisée, englobant sous une seule écriture diverses phonétiques et allant parfois jusqu'à les occulter pour n'en retenir qu'une seule, je me permets d'ajouter que le nom de la ville de Morlaix se prononce "morlè" et non "morlaixe", la seconde prononciation faisant bien rire les gens du Finistère lorsqu'il leur arrive de l'entendre!

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    1. Permettez-vous Sinan ! L'orthographe des patronymes et toponymes a surtout été fixée de manière aléatoire par des gens qui n'y connaissait pas grand chose, curé, officiers d'état civil, topographes et cartographes, et avec souvent beaucoup de mépris pour ces langues de France que l'abbé Grégoire qualifiait de patois. Et le codage graphique d'une langue appliqué à une autre produit des effets délétères.
      Effectivement, j'aurais bien pu dire Morlaixe comme je dis Sainlis pour Senlis... L'exercice le plus risible en la matière est la traversée des contrées méridionales par le chroniqueur "culturel" du Tour de France !

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  3. Il est non-loin de Toulouse un village nommé Bretx. Plus jeune j'eu l'occasion de débattre longuement avec un camarade de la manière dont il fallait prononcer ce nom : bret-s ? ou bret-x ?
    Fouillant sur la toile, j'apprends qu'à l’époque gallo-romaine, Bretx s’appelait Brittium ; au XVIe Siècle : Brecio ou Bretis puis au XVIIIe Siècle, Bretz. Pourquoi avoir troqué le 'z' pour un 'x' alors que ces deux lettres ont la même valeur au Scrabble ? L'énigme reste entière.

    Autre village dont la prononciation du nom porte à s'interroger : Saix. (Si Aragon avait été toulousain, peut-être aurait-il pu écrire J'ai traversé le pont de Saix...)
    Pour en revenir à nos moutons : faut-il ou ne faut-il pas prononcer le X, comme dans... sexe ?
    La page wikipedia m'apprend toutefois que ce nom s'écrit Saïx, ce qui induit logiquement une certaine prononciation en raison du tréma, mais qu'en réalité le nom se prononce [sɛs]. J'en perds mon latin, même s'il ne fut jamais très bon !

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    1. Les deux lieux que tu cites sont en domaine occitan languedocien, donc originellement pas de finales en "ze" ou "xe" mais un s sonore ou pour le deuxième un ch. Sur le aï de Saïx, il s'agit apparemment d'une diphtongue qui n'en finit pas de disparaître bien qu'on ait cherché à s'y accrocher graphiquement...
      Ce genre de question est insoluble tant qu'on admet l'identité des langues autres que la nationale et qu'on ne respecte pas leur code graphique. Un exemple avec Lombez qu'on prononce aujourd'hui lombèze au lieu de lombè'ss (en réalité ce serait même loumbè'ss), si on l'écrivait normalement Lombers on verrait prononcer le r alors que "er" est un son è...

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  4. Moi, GAlienne, je l'aime bien, même beaucoup. J'adore son emission sur Inter, j'y ai decouvert plein de trucs. En général, je l'écoute en voiture. MAis maintenant, il a dû changer d'heure, je l'ai perdu...tant pis pour moi..
    Et alors, comment on dit Chamonix? chamoni? ou Chamonixe? Et je pourrais peut-etre me mettre à dire Parisse aussi...

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    1. J'avais bien aimé un été avec Victor Hugo, mais depuis j'ai l'impression d'entendre toujours la même chose...
      D'après ce que je lis sur le franco-provençal ou arpitan, dont je ne sais pas grand chose, le x et le z finaux serviraient à indiquer la place de l'accent tonique et ne se prononceraient pas...

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